Turquie: les bonnes
excuses d'Israël
Souvent présentée en
Europe et aux Etats-Unis comme une victoire de Barak Obama, la contrition
israélienne a été vécue comme «un grand succès de la politique étrangère
turque» à Ankara. Bien sûr, la réalité est un peu différente.
Israël s’est excusé auprès de la Turquie; cher Premier
ministre, nous vous sommes reconnaissants d’avoir permis à notre pays [la
Turquie] de connaître une telle fierté»: le message est visible dans la capitale turque, sur
d’immenses affiches réalisées par la municipalité islamo-conservatrice d’Ankara
pour célébrer cette «victoire majeure».
Au premier plan, Tayyip
Erdogan retient un sourire satisfait tandis qu'en retrait Benjamin Netanyahou
présente une mine plutôt boudeuse. Entre les deux hommes s’impose le Mavi
Marmara, le cargo affrété par la Fondation d’aide humanitaire turque (IHH) pour forcer le blocus de Gaza. Arraisonné le 31 mai 2010
par les unités spéciales israéliennes, ce qui avait entraîné la mort de neuf
militants turcs, le cargo semble prêt à repartir à l’assaut.
Le coup de téléphone du
22 mars, donné du pied de l’Air Force One américain, par Benjamin Netanyahou à
Tayyip Erdogan pour lui présenter ses «excuses» a fait l’objet d’une mise en scène parfaite. En
prévision, la correspondante à Washington du quotidien Milliyet avait même été
embarquée dans l’avion du président américain.
Souvent présentée en
Europe et aux Etats-Unis comme une victoire de Barak Obama, la contrition israélienne a été vécue tout autrement en
Turquie: comme «un grand succès de la politique
étrangère turque», selon les termes du vice-Premier ministre, Bulent Arinç.
Les concessions turques
La réalité est un peu
différente. Certes Benjamin Netanyahou a accepté de présenter ses «excuses» et
non pas seulement ses «regrets» –mais cela aurait été déjà le cas lors des
négociations de juin 2011 qui avaient failli aboutir; certes les indemnités versées par
l’Etat hébreu en
mémoire des victimes turques devraient être assez importantes –de quoi faire pâlir d’envie les
familles de 34 jeunes contrebandiers kurdes bombardés par erreur par l’armée turque le 28 décembre
2011 à Uludere, sur la frontière irako-turque.
Mais la partie turque a
fait au moins deux concessions d’importance qui, si elles étaient connues du
grand public turc, pourraient assombrir quelque peu la fierté nationale. Lors
des négociations de juin 2011, la Turquie exigeait qu’Israël reconnaisse que
les activistes turcs avaient été tués «avec préméditation» et
«intentionnellement». Ankara a fait machine arrière et souscrit désormais au
point de vue de Tel Aviv selon lequel ces «morts ont été causées par des erreurs
opérationnelles» militaires
israéliennes.
Plus décisif encore, explique l’analyste Kadri
Gursel: «La Turquie de l’AKP a maintenant
abandonné la pré-condition [qu’elle avait mise] de la levée de l’embargo et du
blocus de Gaza» alors
que c’était tout à la fois le motif de l’expédition du Mavi
Marmara en mai 2010,
et depuis le drame «l’élément le plus crucial de cette
sorte de guerre froide qu’Ankara avait décidé de mener à l’égard d’Israël».
Saluant les excuses
israéliennes, Ibrahim Kalin, conseiller politique du Premier ministre turc,
évoquait tout au plus «une promesse [israélienne]
de lever le blocus de Gaza pour les biens civils», alors que
Tayyip Erdogan expliquait que l’accord prévoit «la fin du blocus israélien
imposé aux territoires palestiniens». Rappel à
l’ordre immédiat de la part des Israéliens: l’allègement ou pas de l’embargo
dépendra uniquement de la situation à Gaza et pas d’une quelconque pression
turque, ont rectifié plusieurs officiels au
lendemain des
déclarations du numéro 1 turc.
C’est le contexte
régional qui aurait été, selon Benjamin Netanyahou
lui-même, déterminant dans la
décision de ce dernier. Et plus particulièrement la situation syrienne.
Israël semble désormais
accepter le départ de Bachar el-Assad, lequel conditionne également l’influence
régionale de la Turquie. Un gouvernement de Frères musulmans, proche d’Ankara,
pourrait même être un moindre mal pour Israël qui redoute la présence de
djihadistes à ses frontières. De plus, les relations entre Ankara et Téhéran se sont nettement
dégradées, ce qui n’était pas le
cas il y a trois ans. Et pour réussir, le processus de paix amorcé entre le PKK et Ankara doit obtenir si ce n'est le soutien la
neutralité d'Israël, pays qui a su par le passé jouer de la
carte kurde contre
la Turquie.
Syrie, Iran, PKK:
suspendu aux excuses israéliennes, le renforcement des renseignements
militaires entre Ankara et Tel Aviv est devenu une nécessité pour les deux pays
ainsi que pour l’Otan.
Ce n'est pas le retour de l'âge d'or
A la différence du
tourisme israélien en Turquie, les échanges commerciaux entre les deux pays (3
milliards de dollars par an) n’ont jamais vraiment freiné; ils ont même plus
que doublé entre 2002 et 2012. D’ailleurs, les camions turcs qui ne peuvent
plus traverser la Syrie et l’Irak passent par le port de Haïfa, Israël et les
territoires palestiniens pour rejoindre la Jordanie puis les pays du Golfe.
Mais c’est la
perspective de participer à l’exploitation et à l’exportation du gaz offshore
israélien qui pourrait avoir séduit Ankara.
Selon un expert
israélien, le coût du transport du gaz naturel via la Turquie pourrait être cinq fois plus bas qu’en
passant par Chypre, jusqu’ici
privilégiée par les Israéliens. Très dépendante de la Russiepour se fournir en gaz –sa consommation devrait doubler
d’ici 2025–, la Turquie pourrait avoir intérêt à diversifier ses sources
d’approvisionnement. Tandis qu’Israël trouverait via la Turquie un moyen rapide et économique d’exporter vers l’Europe ce
gaz découvert au large de ses côtes.
Pour autant, les
relations israélo-turques ne connaîtront sans doute pas de sitôt un nouvel âge
d’or à l’avènement duquel le ministre israélien de la Défense Ehud Barak avait
largement contribué en 1996 avec la signature de deux accords de coopération
militaire et l’autorisation pour l’aviation israélienne de s’entraîner dans
l’espace aérien turc.
La culture politique de
la Turquie d'aujourd’hui est devenue clairement anti-israélienne. C'est aussi
cela qui a permis aux héritiers de l'empire ottoman de se rapprocher de leurs
anciens dominés arabes. Ce sont en partie ces dénonciations de la politique
israélienne à l’égard des Palestiniens qui ont rendu le Turc Tayyip Erdogan
populaire dans le monde arabe. Le 1er mars dernier encore, le Premier ministre turc qualifiait
le «sionisme» de «crime contre l'humanité». Benjamin Netanyahou a sûrement pris en compte la
rhétorique anti-israélienne de la Turquie et évalué les risques qu'elle pouvait
faire courir à son pays, avant de décider de présenter ou pas ses excuses.
Quelle serait, par
exemple, l’attitude turque si une troisième intifada (peu probable, veulent
croire certains analystes israéliens) devait éclater? «Il n'est pas exclu que Netanyahou ait
obtenu des garanties de la part des Turcs à ce sujet-là; mais c’est encore
difficilement imaginable et indicible, surtout», estime un
observateur turc. Ce serait une troisième et énorme concession de la part du
Premier ministre turc. Rien pour l’instant ne porte vraiment à le croire. Il
faudra attendre, peut être fin avril, la possible visite de Tayyip
Erdogan à Gaza pour commencer à en juger.
Ariane Bonzon
Özet: İsrail’in özürü Ankara’da dış politika
açısından bir zafer olarak nitelendirilse de gerçek aslında biraz daha farklı.
Netanyahou özür dilemeyi kabul etse de pişmanlığını dile getirmedi.
Özürün altında bir çok neden yattığı söyleniyor. Bunlardan en önemlisi de ekonomik nedenler. Avrupa’ya gaz dağıtımı
yapan İsrail’in, gazı Türkiye üzerinden geçirmesiyle harcamalarını üçte bire
indereceği söyleniyor.
Analiz : Tabii ki
özürün bu kadar geç ve zoraki olmasının bir sebebi var. Bunların hepsi çıkarla
alakalı. İsrail, Türkiye’yle barışmayı tercih ediyor çünkü böylesi daha çok
işine geliyor.
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